Tunisiens ? Non merci !
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Deux articles transmis par Linsay viennent illustrer les contradictions et inhumanités auxquelles conduisent les politiques actuelles qui ont à gérer tout à la fois le pillage des pays du sud, le refus d’accueillir celles et ceux qui en sont victimes, le racisme d’état pour justifier le recul des droits de l’homme dont sont victimes les étrangers et les privations de libertés pour l’ensemble des populations, tout cela dans un contexte de lutte des peuples d’Afrique pour leurs droits et de course au profit dont les travailleurs du monde sont tous victimes sous diverses formes : chômage, délocalisations, déplacements massifs de main d’œuvre, chantiers internationaux où les droits sont bafoués...
A CHARLEVILLE-MÉZIÈRES l’Union de Reims raconte l’histoire de ce Tunisien de 39 ans avait été interpellé par la police le lundi à la descente du train, puis remis en liberté, puis à nouveau, arrêté le jeudi au saut du lit et fait « réadmettre » en Italie.
Arrivé de Lampedusa, après avoir quitté son pays, comme des centaines de ses compatriotes, suite à la chute du régime Ben Ali, il est arrêté à l’occasion d’un banal contrôle d’identité. Le préfet a alors pris, à son encontre, un arrêté de reconduite à la frontière (c’est-à-dire en Tunisie).
Or, comme il y avait dans les papiers de Moez un document indiquant qu’il avait transité par l’Italie, via Lampedusa, les autorités préfectorales se sont alors rapprochées des Italiens qui, contre toute attente, auraient accepté de le « réadmettre » (c’est le terme officiel) sur leur sol. Moyennant quoi, Pierre N’Gahane a alors changé son fusil d’épaule.
Ainsi, le jeudi les policiers se sont-ils présentés, à l’heure du laitier, à l’adresse fournie par Moez, ils l’ont embarqué celui-ci vers un centre de rétention, puis à la frontière italienne, via Nice.
Dans le contexte actuel des propose du ministre de l’intérieur et de l’agitation autour des réfugiés tunisiens, cette expulsion n’est pas passée inaperçue
Paris et Rome s’affrontent sur la question des permis de séjour dans l’espace Schengen, espace, faut-il le rappeler dont la France et l’Italie font partie ! [1]
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A Rome la Stampa, pourtant quotidien de droite, donne sa vision des choses, vision qui a au moins le mérite de souligner les calculs électoraux et le cynisme de ceux qui nous gouvernent.
Claude Guéant ferme les frontières aux immigrés de Lampedusa
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Seules des personnes naïves et/ou mal informées pouvaient croire que la France aurait accueilli les clandestins en transit venus d’Italie. Il fallait pour cela ignorer que la lutte contre l’immigration (pas seulement clandestine) constitue le noyau dur de la présidence Sarkozy, tout comme la "sécurité", véritable moteur de sa politique, dont l’origine et le développement sont dus à la confrontation avec l’extrême droite de Jean-Marie Le Pen.
Ainsi donc, il n’y a ni solidarité avec l’Italie, ni "fraternité" avec les Tunisiens, pourtant un peu français. Les Alpes divisent deux pays au bord d’une crise diplomatique. Le ministre de l’Intérieur Claude Guéant a transmis hier depuis Paris des communiqués belliqueux fracassants, que Roberto Maroni, son homologue italien, a qualifié d’"hostiles". Paris refuse le débarquement des Lampédusiens sur le territoire de la République, et déclare : "nous allons aussi réduire l’immigration légale". Bonjour l’ouverture humanitaire...
C’est la première fois que l’Élysée fait une proclamation aussi radicale, conséquence de ce qu’on appelle au sein du débat français la "lepénisation des esprits". Les élections présidentielles auront lieu dans un an, Sarko est déjà en pleine campagne électorale, la monarchie républicaine ne laisse aucun répit, les sondages s’avèrent sans pitié, la déception règne parmi la population, le président est cerné.
D’un côté se trouve le spectre du socialiste Dominique Strauss-Kahn, ultrafavori (mais sera-t-il bien le candidat du PS ?) ; de l’autre Marine Le Pen, la fille du totem de la France sombre, nouvelle Marianne séduisante d’un parti décomplexé. Cette fois-ci, le candidat numéro un à l’humiliation, c’est lui, Sarkozy. C’est pourquoi il s’en prend aux étrangers, qui, agités comme un épouvantail par la jeune femme blonde, ont permis à celle-ci une montée dans les sondages qui fait froid dans le dos.
Aujourd’hui, à Rome, le très fidèle Claude Guéant [a expliqué qu’il existait] une marge de négociation entre ses déclarations et la politique sur le terrain. Une chose est sûre, les ordres qu’il a dictés jeudi 7 avril aux préfets laissent peu de place aux permis de séjour temporaires qui seront délivrés par l’Italie [Claude Guéant a envoyé aux préfets une circulaire précisant les documents requis pour pénétrer sur le territoire : passeport national valide, titre de séjour, titre de voyage, ressources minimum, justification du but du voyage]. On ne peut guère se bercer d’illusions : le traité bilatéral ratifié entre la France et l’Italie en 1997 prévoit le renvoi des clandestins. Sans compter que le règlement européen ne nous aide pas : faire partie de l’espace Schengen signifie être responsable de ses frontières au nom de l’Union européenne. Cependant il serait plus simple de contrôler la situation à deux.
Par ailleurs, entre la France et l’Italie couve depuis longtemps une guerre froide dont la finance est le protagoniste. Chez Edison, où Edf, souhaitant avoir les coudées franches, a déjà limogé l’administrateur délégué. Chez Parmalat, où Lactalis effectue une montée au capital. Et dans les assurances, qu’il s’agisse de Generali ou de Premafin Fonsai, où évolue le fier Vincent Bolloré, ultra sarkozyste. C’est dans cet imbroglio d’intérêts et de symboles que s’opère une grande déchirure sur le dos des milliers de migrants tunisiens qui parlent français et désirent vivre en France, et sur celui du système italien qui ne peut supporter une telle invasion, toujours plus dramatique, comme le montre le naufrage d’une embarcation dans la nuit de mercredi à jeudi. Lui aussi constitue un symbole tragique du naufrage européen.
D’après un article paru le 09/04/2011 dans l’Union et un autre paru dans La Stampa le 08/04/2011
Articles transmis par Linsay.
[1] L’« espace Schengen », du nom du village luxembourgeois de Schengen, où a été signé le 14 juin 1985 le 1er accord entre cinq États sur la libre circulation à l’intérieur de leurs frontières, a été institutionnalisé à l’échelle européenne par le traité d’Amsterdam de 1997.
Depuis le traité de Lisbonne du 13 décembre 2007, les règles ont été modifiées en vue d’une plus grande coopération policière et judiciaire et une mise en commun des politiques de visas, d’asile et d’immigration.
Désormais, les citoyens étrangers qui disposent d’un visa de longue durée pour l’un des pays membres peuvent circuler librement à l’intérieur de la zone.
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