Ne voyageons pas sur l’impériale
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Quand la différence est attaquée sous nos yeux ne restons pas sur l’impériale
Une jeune musulmane portant le voile a été agressée le 13 juin 2013, par deux hommes, en pleine rue, à Argenteuil. La jeune femme, âgée de 21 ans, était enceinte de quatre mois. Les agresseurs, qui lui ont arraché le voile, lui ont aussi infligé des coups de pieds. Le 17 juin la jeune femme a perdu son enfant.
Certes les grands médias respectables (L’express, Nouvel Obs, Europe 1, France Info, etc.…) ont immédiatement précisé sur leur site internet qu’il « n’est pas certain que la fausse couche soit liée à l’agression ». Louable souci de retenue professionnelle qu’en d’autres circonstances les mêmes médias ont souvent négligé : la mythomane du RER, soi-disant victime d’une agression antisémite par exemple, ou le bagagiste arabe de Roissy, soi-disant terroriste, sans parler des conflits entre jeunes des quartiers populaires et police, régulièrement traités par l’interview à sens unique du syndicat Alliance Police Nationale.
Où sont les féministes vengeresses ?
Nous ne savons évidemment pas si l’agression criminelle est médicalement à l’origine du drame qui frappe cette famille, mais quand bien même les deux faits seraient indépendants, est-il pour autant moins grave d’arracher violemment le voile que porte une femme et de la rouer de coups dans la rue ?
D’autant que selon les associations antiracistes, cette agression islamophobe, est loin d’être la première à Argenteuil. Le Collectif D’ailleurs nous sommes d’ici rappelle que le 11 juin, se sont les policiers de la BAC qui ont malmené une femme portant le Niqab ; le 20 mai, Rabia, âgée de 17 ans, à qui on arrache le voile, est rouée de coups ; quelques mois auparavant, Nadia était attaquée à coups de cutter… Les agressions racistes se multiplient, auxquelles viennent s’ajouter aux insultes visant les femmes portant un foulard, qui se banalisent. Il suffit pour le vérifier de questionner l’actualité sur l’internet. Notre société vire à droite toute et le résultat ne se mesure pas qu’aux scores du Front National.
Où sont les féministes vengeresses ? En tête Caroline Fourest et consorts, qui ne manquent jamais de stigmatiser l’attitude des hommes, pour peu qu’ils soient arabes ou plus généralement musulmans. Où sont nos femmes et nos hommes de « gauche », héritiers des Lumières, comme ils disent, et grands pourfendeurs d’atteintes aux droits de l’homme (et surtout des femmes) dans certains pays ? En Tunisie, en Egypte, en Algérie par exemple mais pas en Arabie Saoudite, au Qatar... ou à leur porte.
La cinquième colonne
En désignant systématiquement l’islam comme une menace, cette indignation à géométrie variable est coupable. Le rejet de l’islam est un racisme et il ne date pas d’aujourd’hui, il date paradoxalement du temps où, puissance coloniale, la France était l’un des plus grands pays musulmans…
Ce racisme est aujourd’hui encouragé par divers discours et actes politiques, ministériels même, si on en croit les déclarations du ministre de l’intérieur, publiquement hostile au droit de vote aux immigrés et à l’intégration des citoyens européens Roms. Relayé par les médias, ce racisme ambiant conforte les thèses défendues depuis longtemps par le Front National (et depuis peu par la droite qui se dit républicaine) et devient naturellement une arme redoutable aux mains de groupes fascisants qui y trouvent leur miel. Objectif : diaboliser l’islam, les musulmans, plus généralement les « étrangers » même s’ils sont français, la « cinquième colonne », quoi !
Il y a un an, en 2012, la France commémorait le soixante-dixième anniversaire de terribles événements, qui ont marqué l’année 1942. La « Cinquième colonne », on en parlait beaucoup à l’époque. Cette expression inventée par un général franquiste pendant la guerre d’Espagne, désignait alors les communistes, plus tard les Juifs, parfois les deux en même temps.
Le racisme n’a jamais servi que le capital
1942, c’est entre autres la rafle du Vel d’hiv, à mettre au compte de la police française, et les premiers convois de France vers les camps. Cette année là aussi les nazis décidaient la déportation pour les Tsiganes. En France et singulièrement en Camargue, s’ouvrait le camp de Saliers. Ce cas unique de camp d’internement réservé aux Roms (ou Tziganes ou Gitans) était l’œuvre du gouvernement de Vichy, situé en zone dite « libre » sur la commune d’Arles.
Je suis née en 1942. Les crimes fascistes de cette époque, je les ai appris à l’école. Je les ai analysés et compris en devenant à mon tour communiste pendant la guerre d’Algérie, en rencontrant des déportés, des résistants, des Français, des Allemands aussi, et d’autres. Je sais désormais que les idéologies racistes n’ont jamais servi que le capital et divisé le monde du travail. Je sais, comme l’a écrit Berthold Brecht, que « le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde », et qu’il faut s’en défendre dès qu’elle montre son nez.
Ceux qui agressent de jeunes femmes parce qu’elles portent un voile, ceux qui lynchent littéralement un jeune homme pour ses idées comme c’est arrivé au jeune Clément, tous ceux-là sont autant de rejetons du monstre. Ils ne doivent pas grandir et c’est l’idéologie, qu’ils partagent malheureusement avec d’autres mouvements moins groupusculaires, qui est à combattre sans relâche.
Quant à ceux qui pratiquent l’indignation à géométrie variable, ce sont « Les voyageurs de l’impériale », pour reprendre le titre du beau roman de Louis Aragon : d’en haut, ils ne saisissent rien de ce qui motive les mouvements du véhicule, ils se laissent balloter par le grand flot de la circulation et ne voient jamais arriver l’accident…
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